Le potager animé
Un jour la merlette m'a dit
Que soucieuse pour ses petits,
Elle ne dormait pas de la nuit.
Un soir, pendant ses insomnies,
Elle observe une comédie.
Lorsque sous le ciel étoilé
Le croissant de lune éclairé
Distille quelque peu de clarté,
Peu à peu dans le jardin sombre
Débute le ballet des ombres.
Les légumes du potager,
Ne pouvant tout le jour bouger,
En l'absence du jardinier
S'offrent une jolie sarabande
Au beau milieu des plates-bandes.
Les espiègles petits radis,
Rose bonbon mais très hardis,
Viennent chatouiller dans son lit
L'énorme citrouille qui ronfle
Comme ballon qui se dégonfle.
Le gros cornichon, si ronchon
Qu'ils l'ont surnommé le bougon,
Proteste car ces polissons
Vont réveiller la pomme de terre
Qui dort contre la scorsonère.
De leur tuteur les petits pois
Descendent alors tous à la fois
Pour chanter d'une seule voix
L'hymne à la belle jardinière
En hommage à notre fermière.
Le si gentil potimarron
Offre son dos bombé et rond
Aux haricots verts qui y font
Une présentation loufoque
D'un drôle d'opéra baroque.
Persil, verveine et romarin,
Eternels parfums du jardin,
Se promènent main dans la main
Afin d'embaumer les allées
De senteurs vives et poivrées.
Il faut voir comme l'artichaut
Se penche au-dessus du poireau
Pour lui murmurer les ragots
Des amoures de la courgette
Avec le fils de ciboulette.
A l'aube, gardienne des lieux,
La rhubarbe fait de son mieux
Pour battre le rappel de ceux
Qui n'ont pas vu que le soleil
Allait sonner l'heure du réveil.
« Allez retardataires pressez,
Le jardinier va se lever
Et il pourrait vous ramasser ! »
Dit-elle au fils de ciboulette
Qui tarde à quitter sa courgette.
Lorsque la lune a disparu,
Sûr que personne ne l'a vu,
Le vivant potager s'est tu.
Jolie merlette était ravie
Car ses petits étaient en vie.
J-P M